mardi 12 juillet 2011

Pas vraiment au courant

Reçu hier en fin de matinée, ce courriel émanant du CSP59 :

NFAKARY A RENDEZ VOUS AVEC UN CHIRURGIEN, IL NE PEUT ÊTRE EXPULSE !

Et pourtant c’est ce que vient de faire le préfet du Nord avec Nfakary qui allait être libéré après 30 jours de détention au CRA de Lesquin.

Nfakary a été amené à l’aéroport de Lesquin en vue d’être expulsé en Guinée.

Cet ex-gréviste de la faim de 2007 (près de 60 jours sans manger) a subi une opération de la jambe dans laquelle a été vissée une broche et qui doit être extraite par une opération chirurgicale.

La préfecture du nord n’en a rien à faire et l’embarque en vue de l’expulser.

Le CSP59 dénonce cet acharnement de la préfecture qui continue de se venger contre les grévistes de la faim de 2007.

Le CSP59 rappelle que la communauté guinéenne de France et particulièrement de Lille dont les sans papiers ont par des manifestations soutenues les luttes du peuple de Guinée contre l’autocratie militaire et pour la démocratie.

Le CSP59 interpelle les autorités guinéennes et appelle le peuple fier de Guinée afin de faire respecter par la France les droits de ressortissants guinéens.

Fait le 11/07/11.


Considérant qu'il est peu probable qu'une agence de presse s'intéresse à cette information et diligente un(e) de ses correspondant(e)s pour la vérifier, je la copicolle telle que, sans même savoir si l'expulsion a bien eu lieu... Au cas où, un(e) porte parole d'une des administrations ayant participé à cette discrète ignominie sera venu(e) expliquer qu'il est tout à fait possible de renvoyer un "clandestin" en attente d'une opération chirurgicale si la possibilité de soins existe dans son pays d'origine.

Et en l’occurrence, on nous dira qu'il est avéré que l'on peut trouver d'excellents tournevis en Guinée.


Modèle compact dit "quatre en un".
Existe aussi en acier chirurgical.

Si Nfakary a été "reconduit" avec une broche dans la jambe, Ardi Vrenezi a été expulsé vers le Kosovo, avec sa famille mais sans son fauteuil...

C'était le 4 mai 2010.

Pour ceux qui ne seraient pas vraiment au courant, voici le résumé des faits, tiré du texte de l'appel pour le retour d'Ardi et de sa famille mis en ligne par le RESF :

Ses parents étaient venus avec lui en France en juillet 2008 pour qu’il soit soigné, n’ayant pas eu de diagnostic pour sa maladie dans leur pays, et aucun traitement efficace de sa pathologie. Ils avaient vendu leur maison pour payer le voyage. Hospitalisé dès son arrivée en France dans un état préoccupant, l’évolution de la maladie avait été freinée : « un miracle » disaient ses parents.

Le 3 mai 2010, les parents, le frère et la sœur d’Ardi sont interpellés. Ardi est arrêté le soir même au sein de l’institut d’éducation motrice où il était soigné, par une escouade de policiers. Le directeur de l’institut n’a pas été prévenu, les infirmières non plus. La plupart des enfants dorment. Ardi est arraché de son lit, transféré sur un brancard, placé dans une ambulance et mis en centre de rétention pour la nuit. Le lendemain matin il est mis dans un avion avec sa famille à destination de Pristina.


Depuis lors, faute de médicaments et de soins adaptés, son état s’est considérablement dégradé. Il ne se lève plus, ne sourit plus, ne parle plus. Il a des difficultés de déglutition qui s’aggravent et nécessiteraient une aide alimentaire, impossible au Kosovo. Il maigrit, il a faim. Il reçoit les médicaments indispensables de France, ceux-ci n’étant pas accessibles ou étant même inexistants au Kosovo. Interpellé sur cette situation inacceptable, l’État Français persiste dans sa dramatique erreur d’appréciation, et accrédite par tous les moyens la thèse qu’il y aurait au Kosovo une prise en charge adaptée à la situation de polyhandicap. Ceci est faux.

La pathologie dont Ardi est atteint ne laisse certes pas espérer de survie à long terme. Ardi va mourir, mais sans les soins adaptés, il mourra plus vite, et dans des conditions inacceptables de faim et de douleurs.

Depuis plus d'un an, le comité de soutien à Ardi et sa famille tente d'interpeller les autorités et d'alerter l'opinion - on trouvera tous les détails des actions entreprises sur le blog de Ardi tenu depuis le 8 mai 2010. Il se heurte à un mur bétonné de silence et d'indifférence qui commence à peine à se lézarder...

La dernière action en date, épaulée activement (enfin !) par le Réseau Education Sans Frontières, a eu lieu le 7 juillet, le jour même choisi par l'UMP pour tenir convention sur "les défis l'immigration". Commencée aux abords de l'Assemblée Nationale, où, pour reprendre l'expression de Marine Turchi et Carine Fouteau dans Médiapart, les militants et les élus pouvaient "se lâcher", la journée s'est achevée par l'accrochage symbolique d'une affiche appelant au retour d'Ardi sur les grilles du siège du Conseil Régional d'Ile de France.

Au 57 rue de Babylone, Paris VIIe.

La presse n'a pas fait grand cas de cette manifestation.

Curieusement c'est dans l'Express que l'on trouve une courte vidéo, introduite par :

En marge de la convention que tenait ce jeudi l'UMP sur l'immigration à l'Assemblée nationale, un rassemblement symbolique était organisé ce jeudi 7 juillet afin d'interpeller le parti majoritaire sur le destin d'Ardi Vrenezi, adolescent polyhandicapé expulsé vers le Kosovo il y a un an.

Gino Delmas et Aurélien Chartendrault, qui ont réalisé ce reportage, ont sans doute voulu, par souci d'équilibre journalistique, donner la parole à quelques fervents défenseurs de la politique gouvernementale - ce sont des choses qui se font, dans la presse -, aussi pouvons nous voir et entendre messieurs Lionnel Luca (à 1 min 30 sec) et Claude Goasguen (à 2 min 04 sec).

L'un n'est au courant de rien - et puis il semble si pressé de rejoindre ses amis vrais amateurs de saucissonnage qu'il ne peut s'attarder -, et l'autre, peut-être pas plus informé, professe une foi très touchante dans le dogme républicain de l'infaillibilité préfectorale...




(Pardon pour les publicités qui m'ont été imposées... )



PS : Pour signer l'appel RESF, c'est à cette adresse.

Et pour lire La lettre d'Ardi Vrenezi, qui fait le point sur la situation, c'est à cette autre adresse.

4 commentaires:

Sylvie Favaro infirmière diplômée de l'Etat Français!!!! a dit…

Le beau pays des droits de l'Homme affiche de façon choquante et scandaleuse une méconnaissance totale du handicap et du polyhandicap! Et nous, les professionnels entourant ces personnes, sommes entièrement niés dans nos fonctions! "Promouvoir la vie" fait partie intégrante du cursus infirmier! L'expulsion d'Ardi est un crime!

Guy M. a dit…

Cynisme criminel d'un État garantissant des diplômes et des qualifications dont sa politique interdit l'exercice plein et entier...

Mais il faut vous dire aussi à quel point il est réconfortant de vous voir encore, un an après, aux côtés du gamin qui a été privé de vos soins.

Favaro Sylvie infirmière diplômée d'Etat de l'Etat français!!! a dit…

Se sont les autres enfants qui ne me font pas baisser les bras! Nous, entièrement indépendants dans nos gestes et eux totalement dépendants des nôtres! Comment est-ce possible de les ignorer à ce point! Prendre la défense des faibles ne peut que faire grandir... Que les plus petits se le disent! Merci à vous d'être encore présent également.

Guy M. a dit…

Et j'espère bien être présent pour le retour de la famille Vrenezi.