lundi 15 novembre 2010

Un simple feu de poubelle

Alors que la dépêche était tombée assez tôt hier matin, il a fallu attendre un peu avant que les sites d'information ne lui accordent une place à la Une.

Il est vrai que ce n'était qu'un très banal feu de poubelle, et qu'un tel fait divers pose toujours un épineux problème de hiérarchie de l'information.

On accordera volontiers, dans ce délicat domaine, le premier accessit au site du Figaro qui sous le titre Incendie meurtrier dans un foyer de travailleurs immigrés, accompagné des mots clés "Sonacotra, feu, incendie, Dijon", publie une photographie de l'immeuble incendié, légendée "Le feu a fait quelque 130 blessés légers", avant d'en venir, dans le chapeau de l'article, au déjà très lourd bilan provisoire...

Le feu, parti d'une poubelle, s'est rapidement propagé dans les neuf étages de cet établissement de Dijon. Sept personnes sont mortes et quatre autres ont été grièvement blessées.

Avant d'arriver là, l'œil vagabond du lecteur moyen aura eu largement le temps de passer au titre suivant, et pourra en rester à "quelque 130 blessés légers". (1)

Copie d'écran, détail.

On notera, une fois n'est pas coutume, l'extrême précision toute comptable des informations transmises, durant la journée d'hier, à la presse, et ensuite au bon peuple.

Détails chiffrés sur les sept victimes:

Parmi les victimes, âgées de 40 à 60 ans, l'une est décédée après avoir sauté du septième étage et les six autres ont été asphyxiées. Trois sont de nationalité française, deux de nationalité sénégalaise, une algérienne et la dernière vietnamienne, d'après la préfecture.

Détails chiffrés sur les "onze blessés graves":

Les onze blessés graves, parmi lesquels figurent quatre enfants, ont été placés en caisson hyperbare dans les services hospitaliers de Nancy, Besançon, Metz, Lyon et Dijon. Six hélicoptères ont été mobilisés pour transporter ces blessés, qui souffrent essentiellement d'intoxication au monoxyde de carbone.

Détails chiffrés sur les "quelque 130 blessés légers":

La préfecture a indiqué que 141 des 190 résidents du foyer étaient présents au moment du sinistre. Tous ont été incommodés par les fumées et, sur les 134 personnes hospitalisées, 45 sont ressorties dimanche à 9h pour rejoindre en bus le Palais des Sports de la ville, où a été installé un site d'accueil.

Et enfin, détails chiffrés sur les moyens mis en œuvre:

Quatre-vingt-treize sapeurs-pompiers ont été engagés, dont trois ont été «légèrement intoxiqués et traités sur place», ainsi que neuf ambulances, quatre grandes échelles, cinq fourgons incendie, deux postes médicaux avancés et une cellule respiratoire.

A croire que la préfecture, en attendant la nomination d'un ministre de l'Intérieur, a directement envoyé le rapport attestant de la parfaite et irréprochable "gestion" de cette crise à l'AFP, sans attendre de savoir que monsieur François Fillon allait demander à monsieur Brice Hortefeux de se rendre sur place. (2)

Monsieur Brice Hortefeux en intérim.
(Photo Creusot-infos.)

Monsieur Nicolas Sarkozy, pourtant friand de faits divers dramatiques, ne pouvait se déplacer dans l'immédiat, trop occupé à "finaliser" la mise en scène de son remaniement-spectacle. Idem pour monsieur François Fillon, assistant metteur en scène désigné de la veille.

D'où ce petit rôle pour monsieur Brice Hortefeux, qui, selon Creusot-infos, "a vécu un accueil hostile dans le quartier Fontaine d'Ouche", quartier où est situé le foyer incendié, mais cela n'apparaît pas sur la minute de vidéo mise en ligne par l'AFP.

Creusot-infos nous apprend également que l'ancien/futur ministre a "salué la mémoire des victimes" et qu'il "a souhaité que l'enquête de la Police détermine rapidement les causes de l'incendie, en assurant que si celui-ci est criminel, les auteurs devront être confondus et poursuivis en justice".

(Je note que monsieur Brice Hortefeux, très prudent, n'a pas ajouté "et sévèrement condamnés", comme il aurait pu le faire en d'autres circonstances.)

L'enquête a été réglementairement ouverte, dimanche matin, par le procureur de Dijon, monsieur Eric Lallement, "en recherche des causes de cet incendie". Il a indiqué à l'AFP:

"Pour l'instant nous n'avons pas de qualification pénale pour ces faits. Nous ferons vraisemblablement des autopsies."

Sans doute pour s'assurer qu'il y a bien eu morts d'hommes.

Voisins ou résidents n'ont pas eu besoin
des résultats d'autopsie pour déposer des bouquets
sur les barrières du périmètre de sécurité.
(Photo Creusot-infos.)


(1) Une mise à jour à la mi-journée n'a modifié ni le titre de l'article ni la légende de l'illustration, mai corrigé "quatre autres ont été grièvement blessées" en "onze autres ont été grièvement blessées".

(2) Il n'y manque que les numéros d'urgence mis en place.

Cela m'étonnerait que l'on vienne sur ce blogue pour cela, mais je les copicolle:

- PC sécurité pour la mairie: 0380745151, appuyez ensuite sur la touche 9.
- Pour ceux qui souhaitent obtenir des informations sur les victimes, composez le 03.80.48.84.51
.


PS: Autant le dire aussi.

S'agissant de l'incendie d'un foyer de travailleurs immigrés, il fallait s'attendre à une ignoble floraison dans les commentaires des lecteurs de la presse en ligne...

Avant que sa remarque ne soit "envoyée au cimetière des commentaires", un pseudonommé Cartonrouge s'indignait, dans Libération, d'avoir entendu, sur TF1, un résident du foyer se plaindre de la lenteur des secours, lui qui venait d'un pays où il n'y avait même pas de pompiers...

Sur le site du Nouvel Observateur, un certain Lourdes a posté ceci:

Enfin voyons !
Il a été reproché aux pompiers (parfois très mal reçus par ces individus), d'avoir mis 9 minutes pour venir .
Un comble quand on fait '' Via Michelin '' on trouve 11 minutes nécessaires pour parvenir à cette barre d'immeubles depuis la caserne .

Je souhaite, avec la plus grande gentillesse, à ces "individus", de passer ne serait-ce que cinq minutes à attendre des secours au cœur d'un incendie... Ils me diront ensuite si, dans ces circonstances, le temps vécu ne s'étire pas jusqu'à l'insupportable.

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