mardi 30 septembre 2008

C'est relaxe la justice



En ce temps-là, nous étions jeunes, nous étions beaux (enfin, surtout moi) et nous détestions le sable chaud. Nous parlions couramment le second degré et nous avions pris la sale habitude de dire à toute occasion "J'ai confiance en la justice de mon pays". Et nous faisions suivre cette proposition d'une sorte de ricanement bien niais, ressemblant fort au rire de Stéphane Bern écoutant Didier Porte.

On a le bon vieux temps qu'on peut...

Il va de soi que cette ironie déplacée n'est plus du tout la mienne, tant les décisions de justice récentes ont forcé mon admiration et apaisé toutes mes craintes quant à un traitement inégalitaire des citoyens de notre beau pays.

Sur un bas-relief du portail sud de la cathédrale de Metz,
ce personnage aux yeux bandés, représente la justice.
Les doigts de sa main droite dessinent le nom du Christ.
Photo publiée par Thomas.

Prenons le cas, exemplaire, de Jean Sarkozy, que les journaleux appellent familièrement "le fils cadet" pour faire croire qu'ils connaissent sa famille. Nous avons appris hier soir que le fils cadet avait été relaxé.

Par conséquent, on sait qu'il n'a pas, le 14 octobre 2005, percuté l'arrière de la BMW de M'Hamed Bellouti avec son scooter, place de la Concorde, et qu'il n'a pas pris la fuite en faisant un doigt d'honneur à M'Hamed Bellouti et son passager. On doit aussi admettre que le numéro du scooter relevé par le plaignant était, correspondait bien à celui de Jean Sarkozy par un hasard qu'on ne voit que rarement en plusieurs siècles...

Jean Sarkozy a donc été relaxé des accusations de délit de fuite, défaut de maîtrise de son véhicule, non-respect des distances de sécurité et dégradation légère d'un bien appartenant à autrui.

Alors qu'il réclamait 260 euros, pour prix de son pare-choc abîmé, et 4.000 euros de dommages et intérêts, monsieur Bellouti a été condamné à verser à Jean Sarkozy 2.000 euros pour "procédure abusive".

A ma connaissance, le Parquet n'a pas fait appel de la décision.


Si vous voulez un autre exemple, je vous citerai celui de Rodolphe Juge, dont j'ai parlé il y a quelques mois, ce professeur stagiaire qui, accompagnant ses élèves lors d'une manifestation, avait été accusé d'avoir jeté un caillou sur les forces de police.

Il semble que personne n'ait cru à la version policière des faits, et après un court délibéré, le président du tribunal a prononcé la relaxe.

On remarquera cependant que, en notre beau pays où prévaut la présomption d'innocence, le recteur de l'académie de Créteil a préféré suspendre Rodolphe Juge de ses fonctions (et par conséquent suspendre également le versement de son traitement) et repousser sine die sa titularisation.

Le tribunal n'a pas jugé bon de condamner les plaignants à verser un petit dédommagement à monsieur Juge.

A ma connaissance, le Parquet n'a pas fait appel de cette décision.

Justice selon Paul Biddle

Je sens bien que certains ne sont pas convaicus.

Monsieur Frédéric Lacave, sous-préfet d'Ile-de-France, accusait madame Maria Vuillet de l'avoir traité de "facho" au cours du chahut qui l'avait cueilli un peu à froid, le 22 octobre 2007, à son arrivée à la station Guy Môquet où il devait prononcer une allocution.

L'affaire a été jugée le 4 septembre dernier. Monsieur le sous-préfet Lacave a présenté le témoignage de son chauffeur pour confirmer ses dires. Mais l’avocat de la défense, Maître Thierry Lévy, en produisant une main-courante signée par un officier de police judiciaire présent, a établi que le chauffeur en question n'était pas à côté de monsieur Lacave au moment de l'échange verbal avec madame Vuillet.

Quant au tribunal, que voulez-vous qu'il fît ? Il prononça la relaxe.

Mais monsieur Lacave ne fut pas condamné à dédommager madame Vuillet pour procédure abusive.

Je n'ai pas d'informations sur la suite de la carrière du sous-préfet et sur la manière dont son supérieur hiérarchique entend lui remonter les bretelles (car il me semble qu'il y a là une sorte de tentative de faux témoignage...)

Après tout, le Parquet peut encore peut-être faire appel de la décision...


PS: Les détails des deux dernières affaires sont clairement exposés chez Olivier Bonnet, dans deux billets: billet 1 et billet 2.

La première se trouve partout... mais pour le plaisir, allez en lire les échos sur Le Chasse-clou de D. Hasselmann et sur abcd etc. comme de JR.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Selon que vous serez puissant ou miséreux, le chêne de Saint-Louis ne s'inclinera pas au vent de la même façon…

Cette histoire fait vraiment mauvais genre, surtout concernant quelque chose d'aussi anecdotique : quand la justice se ridiculise pour un bout de tôle froissé, comment lui faire confiance sur des questions plus importantes ?

(Je pose la question et retourne me coucher. Hop !)

Guy M. a dit…

Laisserais-tu entendre que le chêne de Saint Louis aurait comme une tendance à se coucher lui aussi ?

Anonyme a dit…

Je crois même que ça fait longtemps qu'il est par terre…