vendredi 8 août 2008

De l'utilité d'un bouc émissaire


« Les gens qui viennent à la porte de ce ministère avec une sébile dans une main et un cocktail Molotov devront choisir. »

Maurice Druon, 1973

Cette déclaration de l'immortel Maurice Druon, qui était alors ministre des Affaires Culturelles et menaçait de supprimer les subventions aux directeurs de théâtre "subversifs", provoqua à l'époque une belle indignation et conduisit à l'organisation d'une manifestation grandiose pour marquer l'enterrement de la liberté d'expression.

Durant ce défilé, pas si silencieux que le dit Wikipédia puisque rythmé par des tambours marquant la cadence d'une marche funèbre, je me souviens avoir scandé au tuba les notes du troisième mouvement de la deuxième sonate, en si bémol mineur, op. 35, de Frédéric Chopin.

J'en garde comme des remords, qui me conduisent à vous le proposer, interprété par Jerome Rose:


Découvrez Jerome Rose


Moulage de la main gauche de Frédéric Chopin.

J'ai bien peur que la liberté d'exprimer et de manifester ses opinions ne soit encore plus menacée maintenant qu'à l'époque du sinistre Druon... mais que l'enterrement de la liberté d'expression, de nos jours, n'aurait lieu que dans une fort restreinte intimité...

Alors, dans l'intimité de ce blogue, je relaye ce constat fait par six associations reconnues par les pouvoirs publics.



Communiqué de presse commun
Cimade - Gisti - RESF - Anafé - Pastorale des Migrants - LDH


mercredi 6 août 2008

Incendies dans les CRA : le gouvernement cherche un bouc émissaire

« Suite à l’incendie partiel du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot samedi 2 août, le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, vient de déposer plainte contre le président de l’association SOS soutien aux sans papiers. En juin, après l’incendie du centre de Vincennes, c’est le Réseau éducation sans frontières qui était accusé.

Les associations signataires rappellent que la situation dans les centres de rétention administrative se dégrade depuis plusieurs années et en particulier depuis l’instauration des quotas d’expulsion. La pression qui s’est installée sur les étrangers et la réduction croissante de leurs droits génèrent un sentiment d’humiliation, d’angoisse et de révolte.

Dans des centres de rétention de plus en plus nombreux et de plus en plus grands, les actes de désespoir et de colère se multiplient. Automutilations, tentatives de suicide, grèves de la faim, débuts d’incendies sont fréquents. Les tensions et la violence sont permanentes. A Vincennes le 22 juin, comme au Mesnil-Amelot ce week-end, c’est cette colère qui s’est exprimée.

En désignant tel ou tel militant associatif et en faisant interdire une manifestation, les pouvoirs publics s’exonèrent de leur responsabilité et refusent de faire l’analyse des effets de la politique qu’ils mettent en œuvre.

Avec de telles manœuvres d’intimidation, le ministre de l’Immigration s'en prend au travail de toutes les associations de soutien aux sans-papiers. Il tente, devant l’opinion publique, de trouver un bouc émissaire et porte ainsi atteinte à la liberté d’expression et de manifestation.

La critique de la politique de l’immigration est-elle encore possible en France ?»


Ce communiqué m'a été transmis par un lecteur, Dorémi (que je remercie), dans un commentaire à un billet sur le début d'incendie au CRA du Mesnil-Amelot.

Il ajoute:

Et puis-je oser vous demander de signer cette pétition-ci, en faveur de mon filleul qui se trouve au Mesnil-Amelot depuis le 27 juillet… C'est la deuxième fois en moins d'un an qu'il se trouve en rétention. Bien le merci.

Bien sûr qu'il faut oser !

13 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Guy M.,

L'apathie "complice" d'une grande partie des Français me stupéfie. Nous en sommes arrivé à ce point d'indifférence ?

Nous sommes si peu nombreux à nous indigner...

Anonyme a dit…

Bien sûr que nous en sommes arrivés à ce point d'indifférence ! Il y a à peine un an, RESF bénéficiait d'une très bonne image dans l'opinion. "On" jugeait le collectif aussi utile que sympathique. Y a Qu'à voir où on en est aujourd'hui : il aura suffi de quelques mois pour convaincre les "braves gens" que les incendies et autres émeutes dans les CRA sont dues, non pas aux conditions de vie des retenus, mais aux associations qui les soutiennent !

Bon, je vais me resservir un café. Ce serait quand même dommage que je m'énerve de si bon matin...

Bises !

Guy M. a dit…

Bonjour Françoise,
Secouer l'apathie frileuse des français n'est pas une mince affaire, et sera peut-être bientôt une affaire délictueuse... Qui nous apportera des oranges ?

Flo Py,
Je ne suis pas sûr que le café soit un calmant... mais chez certains, il renforce la lucidité (qui est une forme de non indifférence).

Anonyme a dit…

"Qui nous apportera des oranges ?"

Personne. Ce sera interdit pour notre "meilleur sécurité" (et si on avalait les pépins, hein ?)

Guy M. a dit…

Je n'arrive plus à retrouver l'information, mais je crois que les oranges ne sont pas autorisées...

D'ailleurs, en quel état arriveraient-elles après les indispensables contrôles...?

Anonyme a dit…

Les oranges, interdites ? C'est normal : on peut cacher des limes dedans…

(Le tuba, c'était pour couvrir le bruit d'explosions des cocktails molotov ?)

myriam a dit…

Quelle mauvaise langue ce charançon! ... c'était ça le tuba?

Pour les oranges... pressées on n'a pas le droit non plus?
:(
Bon, j'arrête la politique!
Une petite vie pépère avec les pantoufles, le chat, le jardin, et le verre de jus d'oranges tous les matins!
Non mais!
;)

C'est triste no-log en août... 'sont où les gens?
C'est pourtant pas la saison des oranges!!!

Guy M. a dit…

@ Charançon,
Il n'y eut aucun cocktail Molotov ce jour-là, seulement des éclats de rire...

Mon tuba fut couvert par un hélicon... J'ai gardé les petits.

@ myrage,
En ce moment tout le monde est à Pékin, bien sûr.

A propos des oranges: j'ai retrouvé ma référence. Il s'agit du livre de Gwénola Ricordeau, intitulé "Les détenus et leurs proches" (très bon bouquin que je lis à petites gorgées et dont je parlerai, promis, à la rentrée). Page 26: "Les visiteurs n'ont pas le droit de remettre d'objets aux détenus (CPP, art. D. 408), à l'exception "de linge et de livres brochés", le directeur décidant des modalités. Il est donc interdit d'apporter de la nourriture aux détenus (a fortiori des oranges)."

Anonyme a dit…

C'est immonde ces CRA. (cracra les CRA)
Non c'est dingue ces CRA, ça m'a retourné hier, toute la soirée à bougonner, le pastis aidant...Et cette criminalisation des asso... de toutes façons, le jour où j'ai entendu un dédaigneux "ce droit de l'hommisme etc..." sortir d'une bouche sur un plateau, sans que ça fasse bondir autour, j'ai senti qu'on allait morfler.

Guy M. a dit…

Ce passage de l'ironie méprisante à la dénonciation des associations est trop facile à suivre, hélas, par les joyeux contribuables...

Anonyme a dit…

Oui, on glisse guy m., on glisse... tellement facilement...

Anonyme a dit…

Merci, monsieur Guy, d'avoir mis mon message en avant.

Mon filleul a été libéré le 11 août (j'étais dans la famille, sans accès à l'Internet pour vous en avertir), mais on peut continuer de signer la pétoche, car si la préf n'a pas demandé un deuxième passage devant le JLD (juge des libertés et de la détention), cela ne signifie pas pour autant qu'elle l'a oublié…

Anonyme a dit…

Ah oui, au fait, suis une quille à la vanille…