mercredi 21 mai 2008

Confiture mi-figue mi-raisin pour Frédéric Beigbeder

free music



Il faut reconnaître à monsieur Frédéric Beigbeder, écrivain, un certain panache. Son art de tirer à la ligne, même sur le capot d'une voiture en stationnement, mérite toute l'admiration qu'on doit accorder à un neuilléen de naissance.

Mais j'avoue que ses ouvrages me tombent des mains au bout de, disons, une page (ou deux, si c'est imprimé pour mal-voyant). Ses apparitions télévisées, où son louque de cradingue sortant de sa douche fait fureur chez les dames écrivaines qu'il reçoit, ne me réconcilie pas avec son talent…

Cependant.

Cependant, je tiens à exprimer à monsieur Frédéric Beigbeder, écrivain, ma profonde gratitude pour avoir su publier, alors qu'il prenait des responsabilités éditoriales chez Flammarion, le premier roman de Lola Lafon, Une fièvre impossible à négocier (maintenant en poche J'ai lu, dans la collection Nouvelle Génération).

Mais, j'avoue que si j'avais su que le roman de Lola Lafon avait été le premier livre publié par cette baudruche de Beigbeder en tant qu'éditeur, je ne l'aurais sûrement pas lu…

Mais, voyez-vous, les voies du destin sont incontrôlables.




Lola Lafon et Leva
Photo Stéphane Lavoué (2006)



Le destin, en la personne d'un très cher et très estimé jeune homme, m'a d'abord mis dans les mains et sous les yeux le second roman de Lola Lafon, De ça je me console, chez Flammmarion (2007). Le livre n'a pas quitté sa place, bien en main et dans la zone "vision rapprochée" de mes variluxe antireflets, jusqu'à la fin de ma lecture.

Je me suis étonné (mais pas trop, quand même) que nos excellents critiques parlent si peu de ce livre où, avec ses phrases qui murmurent, ses phrases qui hurlent, ses mots qui cognent ou caressent, Lola Lafon tresse en amitié et en colère les vies de ceux et celles qui refusent encore toute résignation et toute soumission. Un livre prenant, qui s'inscrit dans la vie vécue et la vie écrite, en rendant hommage à l'oncle fictif Pierre Goldman (l'auteur de Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France), et au père* Henri Lafon (le spécialiste du XVIIIème siècle, l'auteur de Crébillon sur Danube)…



Lola Lafon et Loic Lantoine
Completement à l'ouest


Au deuxième acte, le destin avait le grand sourire rayonnant de E. qui, devant la Rôtisserie Sainte Marthe, sans me brusquer, m'a bien fait comprendre que mes admirations littéraires, c'était bien gentil de ma part, mais qu'il fallait absolument que je lise le premier roman de sa copine Lola. Et elle avait bien raison.

C'est un livre écrit, après, par une "âme décousue" qui a rejoint les squats et les groupes antifascistes. Après un viol par un "homme insoupçonnable", "un garçon cool, impassible et éduqué, en tennis blanches", qui a voulu entendre "oui" quand elle disait "non".

"Ne tirez pas de conclusions primaires sur moi.
Je ne suis pas triste.
Je ne sais pas
Comment continuer à vivre
Avec ce qu'il a fait
C'est tout."


C'est un livre décousu de fait, car la vie de la narratrice l'est, mais c'est un livre qui a été composé, arrangé, harmonisé, sur des accords précis, sonnants ou dissonants, sur des motifs choisis, avec ou sans variations, et qui finalement donne un morceau de musique qui ne respecte assurément pas les normes des grandes compagnies (ce n'est pas une musique qui "se laisse écouter"), mais qui se fait entendre aussi clairement que possible… comme la voix de la chanteuse Lola Lafon, une voix jeune, voire juvénile, mais vibrante et capable de recueillir et exprimer les révoltes et les espoirs de ceux qui disent "NON" et veulent que l'on entende "NON".

Bref, un livre pour maintenant** et après…




* En réponse à un questionnaire un peu débile, Lola Lafon glisse cette remarque superbe: "Mon père est mon père par inadvertance, il était l'Ami, il ouvrait toutes les routes , et même, il les inventait."

** Le "maintenant" de Lola Lafon (programme de lectures, de concerts, etc…) est en partie en ligne sur son blog et le site de Lola Lafon et Leva.


free music


PS1: Lola Lafon sera présente au salon du Livre Libertaire, les 31 mai et 1er juin, à l'espace des Blancs-Manteaux, 48, rue Vieille-du-Temple.

PS2: Vous pouvez lire une nouvelle de Lola Lafon à cette adresse.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ben, tu vois que tu connais Loïc Lantoine, finalement, Monsieur Guy ! (Ce qui me fait très stupidement plaisir :-))

Bises !

PS : j'en profite pour ajouter le prix de "De ça je me console" (parce que je rentre justement du supermarché du disque et du livre, et que j'ai failli l'acheter) : 19€.

Guy M. a dit…

Je ne le connaissais pas avant (c'est bien, l'ignorance crasse, ça permet de découvrir encore des tas de choses).

Il n'y a que Beigbeder pour s'intéresser au prix des livres...
Mais à mon avis, tu ferais mieux de l'acheter au salon du livre libertaire, comme ça tu auras une dédicace et une bise de Lola...

En attendant, accepte la mienne et ma salutation distinguée.