jeudi 5 février 2009

Eric Besson fidèle à lui-même




Monsieur Eric Besson est un personnage qui sait, à coup sûr, se rendre sympathique. Il vient de signer, ce "jeudi 5 février, lors d'une visite à la Préfecture de police de Paris, une circulaire autorisant les préfets à accorder un titre de séjour provisoire aux sans-papiers qui dénoncent des filières, des passeurs". Dixit LeMonde.fr.

Ce type d'opération "gagnant-gagnant", comme on dit de manière si ridicule présentement, est bien une opération de basse police, pratiquée depuis des temps immémoriaux de façon plus ou moins ouverte, certes, mais en général avec une certaine discrétion assurant l'efficacité de la manœuvre. Les balances ne sont pas très appréciées, en quelque milieu que ce soit.

Le grand courage de monsieur Eric Besson est d'officialiser la délation.

On ne peut que le féliciter de confirmer par cette signature quelque peu médiatisée les intuitions que l'on commençait à avoir sur le fond de sa personnalité.

Monsieur Eric Besson jouant avec son double à la préfecture de police.
(Belle photo, très évocatrice, de Martin Bureau, AFP)

Monsieur Eric Besson se dit "surpris" et "choqué" que l'on puisse parler à cette occasion de "délation".

Ma grand-mère aurait sans doute demandé à monsieur Besson d'arrêter de faire le sot... Je ne puis prendre une telle liberté, mais je soutiens qu'il me semble qu'il y a beaucoup d'affectation dans cette surprise, et peut-être une certaine satisfaction aussi.

Car cela permet à notre ministre de notre Identité de placer son petit couplet victimo-humanitaire:

"Les femmes battues qui portent plainte doivent-elles être accusées de délation ? Ces clandestins doivent-ils éternellement rester dans leurs ateliers, dans leurs caves, dans leurs arrière-cours de restaurants, sur les trottoirs de la prostitution, pour ne pas qu'on les accuse de délation"

Bien envoyé, n'est-ce pas ? On sent bien que monsieur Besson est très doué: il parle déjà couramment et sans effort apparent le démago-sarkozien.

Faut-il aller dans son sens et lui signaler que bien des clandestins (comme il dit, après monsieur Hortefeux) sont d'abord et surtout victimes de la politique qu'il a accepté de conduire à la demande du chef de l'état ?

Les passagers clandestins font plus rêver que les mouchards.


Diverses associations ont déjà répondu à la mesure prise par monsieur Eric Besson. On trouvera le résumé de leurs déclarations et communiqués dans un article du Monde intitulé Inciter les clandestins à dénoncer leurs passeurs est "dangereux" et "inefficace", selon les associations.

Je vous copicolle la réaction de Laurent Giovannoni, président de la Cimade, dont le point de vue est toujours éclairant:

Au-delà de la polémique, les associations regrettent une "sortie médiatique" qui ne s'attaque pas aux véritables causes de l'immigration clandestine. Pour Laurent Giovannoni, ce sont les politiques européennes "qui verrouillent complètement les possibilités d'accès légal au territoire européen et poussent les personnes à avoir recours à ces filières". (...)

Atelier Clandestin, 2004. Installation de Malachi Farrell (galerie Xippas)


Autant vous dire que j'ai tendance, par une sorte de rigorisme un peu désuet sans doute, à mettre dans le même panier les exploiteurs des filières clandestines et les dénonciateurs pour récompense... Dans notre univers décomplexé, c'est une faute de goût, mais ce n'est pas cela qui va m'empêcher de respirer.

En revanche, ce qui me coupe un peu le souffle - oui, je suis moi aussi "surpris" et "choqué" - c'est que l'on réagisse si peu, autour de moi, quand on entend un transfuge politique modèle défendre ce sale outil de la délation.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

si si ça réagit…
et je fais le rapprochement avec les nouvelles responsabilités de besson au sein de l'ump où il est chargée de la prospective…
l'avenir est aux dénonciateurs !
c'est chouette, non ?

Guy M. a dit…

Les historiens prétendent que nous avons aussi un beau passé de dénonciateurs...

On n'y peut rien: Identité nationale oblige!

Anonyme a dit…

Rhhhôôô… la France, experte dans l'art d'envoyer des lettres anonymes ? Les historiens doivent se tromper…

"Faut-il aller dans son sens et lui signaler que bien des clandestins (…) sont d'abord et surtout victimes de la politique qu'il a accepté de conduire à la demande du chef de l'état ?"

C'est toujours bon de le rappeler tant certains s'entendent à fausser le débat. Merci de l'avoir fait.

Guy M. a dit…

Les associations ne se sont pas privées de le dire...

Mais il présente les choses de manière si "vicelarde" qu'il faut, anéfé, le répéter.