mercredi 9 avril 2008

Rassemblements sur la voie publique

Hier matin, on pensait très fort, dans nos journaux, en hochant une tête méditative (en général, on ne voit effectivement qu'une seule tête dans les rédactions), que la "mobilisation lycéenne" allait "s'essouffler". Et on donnait largement la parole à l'inévitable monsieur Darcos.

«Je respecte les lycéens. J'ai eu 16 ou 18 ans aussi et je comprends qu'ils s'inquiètent de leur avenir, qu'ils soient vigilants, qu'ils soient militants. Je n'ai pas d'hostilité, j'ai même plutôt de la sympathie pour ces jeunes», a déclaré le ministre sur LCI.

«Mais je trouve que tout cela prend des proportions absolument hystériques tout de même: (...) que l'on ait des élèves qui arrivent dans un établissement pour tout casser, qu'ils molestent nos professeurs ou qu'ils volent les portables de leurs camarades ou qu'ils cassent la figure à des proviseurs, tout ça parce qu'à la rentrée prochaine il va y avoir une classe où ils étaient 32 - ils vont être 33 - ou parce qu'il y avait 100 professeurs - ils vont être 98 - je trouve que tout ceci prend des proportions qui ne sont pas raisonnables». «Ce pays n'est pas raisonnable», a-t-il ajouté.


Contrairement à son confrère monsieur Hortefeux, monsieur Darcos, par cette ultime déclaration me rendrait presque fier de mon pays.

De dos, quelques auxiliaires raisonnables de monsieur Darcos.



Boris Horvat AFP Manifestation d'enseignants le 7 avril 2008 à Marseille
pour la venue du ministre de l'Education nationale, Xavier Darcos



Mes trois lecteurs/trices réguliers/lières et fidèles savent bien qu'après la pause consacrée aux arts, ici chorégraphiques, je monte ou descend une marche de l'escalier.*

Hier encore, la presse offrait une abondance déraisonnable de titres relatifs à des dysfonctionnements dans le difficile exercice du maintien de l'ordre républicain. A croire qu'un vent de contestation décoiffait les rédactions.

La police française critiquée par une commission

Détenus privés de soins : un rapport alarmant

Les force de l’ordre épinglées pour l’accès aux soins en détention

"On continue d'abuser du menottage"

Les abus "sécuritaires" sous surveillance

Le rapport de la CNDS dénonce le comportement de la police

Si j'ai bien compris, la CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité) est chargée, depuis sa création en 2000, de veiller au respect de la déontologie par les personnes chargées d'une mission de sécurité.

Ainsi, nous apprenons que la violence d'Etat s'exerce en respectant une déontologie.**

Il vous est possible d'explorer les liens que j'ai judicieusement sélectionnés ci-dessus pour vous, vous y découvrirez maints exemple de ce que Michel Foucault et ses amis qualifiaient d'intolérable.

Vous pouvez aussi télécharger le rapport de la CNDS en vous rendant à cet endroit (le lien indiqué dans les journaux.fr vous donnent 404-banco!)

Pour vous donner un exemple du travail minutieux de cette commission et des réponses qu'elle reçoit, voici un extrait:

DIFFICULTÉS RELATIVES AUX RASSEMBLEMENTS SUR LA VOIE PUBLIQUE

> VOIR SAISINES 2006-5, 2006-22, 2006-51 et 2006-96.

A titre de précision, la CNDS entend par «rassemblement sur la voie publique» notamment toute manifestation, évacuation de «squats» concert, fête publique ou inauguration.

La Commission a poursuivi le traitement des quatre réclamations relatives aux manifestations dites « anti-CPE » du printemps 2006 qui lui ont été transmises. Néanmoins, saisie très rapidement de faits ayant conduit à l’ouverture d’une information judiciaire après constitution de partie civile, la CNDS n’a pas été en mesure d’achever le traitement de l’une de ces quatre saisines, le magistrat chargé de l’instruction n’ayant pas satisfait la demande de communication des pièces de la procédure, en invoquant le secret de l’instruction.

L’une de ces saisines concernait un jeune homme blessé lors du dispersement d’une manifestation à Toulouse. Elle a mis en évidence le recours injustifié à un tir de grenade lacrymogène qui a percuté le front de ce dernier (SAISINE 2006-22). Au regard de témoignages et de pièces transmises par l’IGPN, la Commission avait pu constater que les personnes présentes n’occasionnaient pas de trouble et ne représentaient pas de danger pour les forces de l’ordre. Elle a estimé, dès lors, que le tir de cette grenade dans la rue où se trouvait le jeune adolescent n’était pas justifié, constituant de ce fait une méconnaissance de l’article 9 du Code de déontologie de la police nationale, qui dispose que «lorsqu’il est autorisé par la loi à utiliser la force et, en particulier, à se servir de ses armes, le fonctionnaire de police ne peut en faire qu’un usage strictement nécessaire et proportionné au but à atteindre».

La Commission a transmis son avis au ministre de l’Intérieur pour qu’il envisage l’opportunité d’engager des poursuites disciplinaires. Celui-ci a, en réponse, informé la CNDS que la «blessure subie par [ce jeune homme] ne paraissait pas imputable à une action délibérée et volontaire, constitutive d’une faute susceptible d’engager des poursuites disciplinaires envers les fonctionnaires intervenants».

S’il est en effet certain qu’il n’y a pas eu volonté de la part des policiers de blesser ce jeune manifestant, il reste que ce tir de grenade n’était ni nécessaire, ni proportionné au but à atteindre, et qu’il s’est agi d’une action délibérée et volontaire qui aurait mérité des poursuites disciplinaires.


Dans deux autres affaires relatives au même motif de manifestation, à Niort, la CNDS a conclu que les conditions d’évacuation des manifestants d’une rocade routière avaient répondu à la nécessité de ménager des «échappatoires» pour éviter tout syndrome de «souricière» (SAISINES 2006-51 et 2006-96).

Cependant, des actes de violence subis par deux adolescentes ont été médicalement confirmés (piétinement, coups à la tête et au cou ; coup ayant cassé deux dents et accompagné d’un arrêt de travail de quatre jours), sans que l’identification des auteurs des coups n’ait été possible, les différents protagonistes se renvoyant réciproquement la responsabilité des gestes de violence. Cependant, la Commission a insisté sur le fait que les forces de l’ordre ne sauraient se soustraire à l’aide qu’il convient d’apporter, même au cours des manifestations, aux éventuelles victimes.

La Commission recommande que la plus grande précaution soit prise lorsque les forces de l’ordre se trouvent dans la nécessité de procéder à l’évacuation de jeunes manifestants sur la voie publique et que la force et/ou les gaz lacrymogènes soient utilisés avec discernement.

En réponse aux avis 2006-51 et 2006-96, le ministre de l’Intérieur a contesté la compétence de la Commission nationale de déontologie de la sécurité en matière de «conduite d’une opération de maintien de l’ordre», arguant que celle-ci ne relevait pas du «respect de la déontologie des personnes» ; il n’a ainsi pas «souhaité commenter [la recommandation de la Commission] sur ce sujet».

Comme elle s’était déjà exprimée par courrier et dans le précédent rapport annuel, la CNDS réaffirme sa position selon laquelle le comportement déontologique des forces de l’ordre (fonctionnaires de police ou gendarmes) est lié de manière étroite aux conditions concrètes dans lesquelles ils sont amenés à exercer leur «activité de sécurité», au sens de la loi du 6 juin 2000. Aussi, les modalités d’intervention de «personnes exerçant des activités de sécurité» lors d’opération de maintien de l’ordre, à la suite de rassemblements sur la voie publique ou de tout autre événement, ne sauraient être écartées de la compétence de la Commission lorsqu’elles sont susceptibles de révéler un manquement à la déontologie.





* Quelle figure vous suggère cette expression: une métonymie? - une allégorie? - une métaphore? - une harmonie imitative? - je ne sais pas.

** Quelle figure vous suggère cette expression: une analogie? - une tautologie? - un oxymore? - une flatulence imitative? - je ne sais pas.





PS: La fédération parisienne de la Ligue des Droits de l'Homme organise les 12 et 13 avril, à l'espace d'animation des Blancs-Manteaux (qui devraient vous rappeler une chanson dont les paroles sont de: François Léotard - Guy Debord - Jean-Paul Sartre - je ne sais pas.), les troisièmes rencontres du livre et de la presse des droits de l'Homme. Tous les renseignements sont sur la page liée.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Guy,

Je pense que tu n'es vraiment pas raisonnable de critiquer la police. Mets-toi à la place des policiers, comment veux-tu qu'ils supportent l'insupportable : Des gens qui ne sont pas raisonnables. Manifester ? Quelle idée... Enfin heureusement qu'on va mettre un peu d'huile dans les rouages pour tout "fluidifier".

http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/politique/20080409.FAP7181/eric_woerth_veut_fluidifier_la_fonction_publique.html

Guy M. a dit…

Françoise,
Je ne vois vraiment pas ce que Mr Woerth pourrait fluidifier en moi, je déjà tellement coulant.

Anonyme a dit…

:)

Coulant... Comme les meilleurs camemberts ?

Guy M. a dit…

Serait-ce une analogie? une métaphore?

Anonyme a dit…

Au choix !

Bonne soirée et bonne nuit.