jeudi 24 avril 2008

Crachons dans la soupière

Les quelques ancienNEs élèves qui suivent ce blog avec autant d'attention qu'autrefois mes cours (ce qui leur laisse des loisirs) se souviennent sans doute qu'il m'arrivait à l'occasion de broder brillamment sur quelques aphorismes bien frappés au coin du non sens, tout en me déplaçant en crabe vers le bureau où je pensais trouver, dans mes papiers étalés ou (horresco referens) au fond de ma pouque*, la solution du fichu exercice que j'avais eu la témérité de leur donner.

"Vous ne trouvez pas? Tant pis. Je vous pardonne… Il faut toujours pardonner à la triste humanité…Parce que l'humanité a quand même à son actif trois inventions incontestables... Par ordre d'importance croissante: les mathématiques, la poésie et la sauce au beurre blanc."

Disais-je.

Par exemple.

Et seul le redoublant comprenait que sous le nappage de la sauce au beurre blanc, il fallait identifier métonymiquement la gastronomie.

Je pense que monsieur Sarkozy nous fera la grâce de ne parler ni de mathématiques, ni de poésie… Mais il se trouve que ce sportif buveur d'eau, qui par ailleurs doit exiger un dosage de "ses" plats au pèse-lettre, a imaginé de faire inscrire la gastronomie française au patrimoine mondial immatériel de l'Humanité.




Baba au rhum ambré, crème à la vanille Bourbon, paré pour l'attaque.

Va-t-on "classer" le cassoulet toulousain, la potée auvergnate, le kig ha farz breton, le stofi aveyronnais, etc. et fixer à jamais une norme patrimoniale de ces plats, alors que leur dégustation ne peut s'accompagner que d'une boisson qui ne fasse pas écran et d'une controverse acharnée sur les éléments de la recette qui encourage à se resservir pour vérification? Il paraît que non: monsieur S#### pourra toujours ajouter du "goût ciboulette"(sic) à son "cassoulet" et mon ami Y. du gingembre râpé (sic itou, mais efficace!) au sien.

Va-t-on alors honorer à jamais les prétentions de la plupart des officines où l'on fait dans l'inventivité culinaire ? Vous connaissez sans doute ces "boutiques" où, après une calamiteuse "terrine de lièvre aux vapeurs d'hysope, avec ses noisettes caramélisées au vinaigre de Modène" (pauvre bête, ça doit être douloureux), vous pouvez vous offrir une "longe d'espadon en petit ragoût indien au lait de coco, et son duo de riz safranés en timbales (je peux vous fournir la recette, si vous voulez) et vous pouvez terminer en beauté avec, importé du menu enfant, un "chaud-froid de croque-monsieur à la banane et au chocolat, rafraîchi à la vanille de Madagascar" (merci à la brasserie Flo (Py), pour la recette).

Il me semble bien que personne ne sait trop à quoi va mener cette demande de "classement".

Ce qui est certain, c'est qu'elle a été annoncée avec un grand "smiley" électoral enjôleur en direction des professionnels de la corporation dite des industries de l'hôtellerie et de la restauration. Car il ne faut pas oublier que ce que l'on présente, affublé d'une blouse de dentiste, avec un sympathique accent du sud-ouest, comme un art de la convivialité, où l'on "travaille" de bons "produits" pour le plus plaisir de la clientèle, est aussi et surtout une industrie.

Le patronat de cette industrie est probablement l'un des plus rapide à l'ouvrir dans le style "moi, monsieur, je travaille" ou "nous produisons de la richesse, nous, monsieur". Les conditions de travail dans le secteur ne sont pas optimales et la gestion des ressources humaines peut éventuellement se solder à coups de pieds au cul (ben, quoi, quand on a les mains prises…). Les formations qui mènent là sont remarquables par leurs vertus pédagogiques. Allez, si le cœur vous en dit, dîner dans un restaurant d'application d'un lycée hôtelier**. Vous pourrez y observer ces gamins ou gamines faisant le service en tremblant, sous l'œil implacable d'un prof, maître d'hôtel couperosé, qui va "les noter". A dire vrai, le spectacle de ce dressage à la soumission, à l'obséquiosité et à la servilité, peut expliquer la maigreur des portions proposées. Il est difficile d'en avaler plus.

Il est évident pour tout le monde que ce n'est pas par philanthropie (pure ou impure) que les patrons de la restauration ont soutenu leurs employés sans-papiers dans leur lutte pour une régularisation.

Cela n'empêche pas de se réjouir du succès de ceux qui ont réussi, et des bredouillements consécutifs de monsieur Brice Hortefeux***…


Un pote auvergnat.



Sur tout cela, je délirerai demain****.



*     "Pouque", en vernaculaire normand, signifie "sac", puis par extension "cartable", puis, suite à la disparition du cartable, à nouveau "sac" (mais "à dos").

**    C'est très bon, pas cher, pas copieux (parfois il y a du rab), mais il faut réserver à l'avance.

***  C'est hors de propos, mais tant pis… J'ai entendu ce matin, quasiment au réveil, notre camarade Didier Porte, chroniquant chez le normalien braillard de France-Inter, Nicolas Demorand, s'amuser du fait que monsieur Hortefeux, qui semble affecté du syndrome du raton-laveur, exige une boîte de lingettes dans sa voiture de fonction et se lave les mains vingt fois par jour (comme on dit: ya kékchose là-dessous, non?). Je trouve que vingt poignées de mains par jour, c'est peu, pour un ministre aussi populaire.

**** J'ai décidé que monsieur Sarkozy ne passerait pas à la télé pour moi. (A moins qu'il ne vienne annoncer sa démission).

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu craches dans la soupière ? Beurk...

Mr Hortefeux souffrirait-il de TOC ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Trouble_obsessionnel_compulsif) ?

Guy M. a dit…

En général, quoique peu porté sur le potage (désespoir de ma moman!), non, je ne crache pas sur les bons plats. Mais...

Ce TOC chez notre cher petit Brice m'inquiète beaucoup, pas toi? en tout cas, cela éclaire peut-être son déjà oublié lapsus "si vous imaginez un monde propre...etc."

Anonyme a dit…

"Ce TOC chez notre cher petit Brice m'inquiète"

En effet, mais à force "d'aller au charbon" et de le "réexpédier" n'a-t-il pas vraiment un peu les "mains sales" ?

Guy M. a dit…

Eh oui, "le pauvre homme!"

(Titre d'un billet à envisager: "Le saint homme et le symptôme", lacanien, forcément lacanien.)